Partage international no 419juillet 2023

par Phyllis Creme

L’idée que la croissance économique est nécessaire et qu’elle est clairement « une bonne chose » est ancrée dans notre façon de penser et de parler au quotidien. Nos hommes politiques insistent sur le fait que la croissance est leur objectif, comme si cela allait de soi.

Nous ne savons pas nécessairement ce que signifie la croissance, mais l’idée que nous pouvons devenir de plus en plus riches – faire mieux que nos parents et que nos enfants feront encore mieux – est profondément ancrée dans le discours populaire : les hommes politiques pensent qu’ils doivent mettre l’accent sur cette idée et que les économies qui connaissent une croissance moindre sont manifestement en mauvaise posture. Et il est vrai que, pour ceux d’entre nous qui vivent dans le monde développé, la vie s’est améliorée, du moins sur le plan matériel, avec cependant l’inégalité flagrante qui, au cours des dernières décennies, s’est considérablement aggravée, où « les riches étalent leur richesse devant les pauvres » (Maitreya, Message n° 81, 12 septembre 1979).

Mais ces dernières années, un contre-mouvement se fait de plus en plus entendre : si nous voulons survivre en tant qu’espèce, si la planète Terre elle-même doit survivre, la croissance perpétuelle ne peut pas être notre objectif. C’est le sens du livre de Jason Hickel Moins c’est plus : comment la décroissance sauvera le monde (Ed. Marabout). Son argumentation est convaincante, et l’auteur est un excellent défenseur du partage des ressources de la planète.

La première moitié du livre s’intitule Plus c’est moins. J. Hickel y dresse un bilan historique accablant de la croissance du capitalisme occidental, de la façon dont tout ce qui a une valeur réelle a été sacrifié à la recherche du profit et de la façon dont l’exploitation, tant de la nature que des personnes, est une partie inhérente et inévitable. Les titres mêmes de chaque chapitre parlent par eux-mêmes : Le capitalisme : histoire d’une invention ; L’avancée du rouleau compresseur ; La technologie nous sauvera-t-elle ? Non l’affirme J. Hickel, la « croissance verte est une chimère » et la décroissance est la seule option viable.

Cependant, le livre de J. Hickel ne traite pas de la peur ou du désespoir, mais de l’espoir, comme il l’explique dans la deuxième partie du livre intitulée Moins pour plus. Celle-ci se compose également de trois chapitres : Les secrets du « Vivre bien », Chemins vers un monde post-capitaliste et Tout est connecté.

 

Les secrets du « Vivre bien »

J. Hickel montre comment, en comparant différents pays, le bonheur, le bien-être et le sens de la vie ne résultent pas comme le veut la pensée conventionnelle – d’une augmentation constante de la croissance (un PIB élevé) mais, comme au Costa Rica, dont le revenu représente un cinquième de celui des Etats-Unis, de « l’organisation de la production autour du bien-être humain, de l’investissement dans les biens publics et d’une distribution plus équitable des revenus et des opportunités ». …

Au contraire, la poursuite de la croissance comme seul objectif économique dans les pays à revenus déjà élevés exacerbe les inégalités et contribue à des problèmes tels que le stress et la dépression dus au surmenage. Tout au long du livre, J. Hickel plaide pour une plus grande égalité individuelle et, surtout, mondiale. …

 

Chemins vers un monde post-capitaliste

J. Hickel montre ici que les pays développés sont actuellement obsédés par la menace de la « récession ». Mais il rappelle que la décroissance n’est pas la même chose qu’une récession. Une récession est provoquée lorsque la croissance est visée et qu’elle s’arrête. « La décroissance est complètement différente. Il s’agit de passer à un tout autre type d’économie, une économie qui n’a pas besoin en priorité de croissance. Une économie organisée autour de l’épanouissement humain et de la stabilité écologique, plutôt que de l’accumulation constante de capital. La décroissance représente une libération. Elle représente une opportunité de guérison, de rétablissement et de réparation. »

 

Tout est connecté

Dans la dernière partie du livre, J. Hickel s’appuie sur les croyances des peuples indigènes pour souligner l’interdépendance fondamentale de toute la nature et l’unité essentielle de toute vie. « Nous devons réapprendre à nous considérer comme faisant partie d’une communauté plus large d’êtres vivants. […] Tout est intimement interconnecté. » Cette conviction sous-tend l’ensemble du livre.

Auteur : Phyllis Creme, a enseigné à l’université et est correspondante de Share International basée à Londres. Elle était l’épouse de Benjamin Creme.
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Rubrique : Compte rendu de lecture ()