Le libre arbitre

Partage international no 377février 2020

par Aart Jurriaanse

Il a souvent été fait référence à cette caractéristique remarquable de l’homme qu’est le libre arbitre. Depuis des siècles, cette notion fait l’objet des discussions les plus controversées en philosophie de la religion : dans quelle mesure, par l’exercice de son libre arbitre, l’homme détermine-t-il sa propre destinée ?

Il ne fait aucun doute que, dans certaines limites, l’homme contrôle et détermine sa propre destinée. Mais c’est là qu’intervient l’objet du litige : quelles sont ces limites, comment et par qui sont-elles déterminées ? L’homme peut parfaitement générer une action entraînant certains effets objectifs. Et ces derniers peuvent à leur tour être dirigés, par une action consciente, dans des directions ou des canaux déterminés, ou bien être laissés à leur développement « naturel », libres de toute interférence supplémentaire. Ainsi, bien que l’homme et son environnement éthérique immédiat soient le lieu de rencontre de flux permanents de forces dont l’origine échappe à son contrôle, l’homme est à même d’utiliser nombre de ces forces et de les orienter à ses fins, pour autant que la situation et l’environnement le permettent, par l’action de sa « volonté » à travers le mental, le cerveau et la personnalité.

L’importance de coordonner les efforts

Et c’est là que réside le nœud du problème : un très grand nombre d’éléments conditionnent son environnement, éléments sur lesquels il ne dispose manifestement d’aucun contrôle direct. Bien qu’il puisse influencer certains de ces facteurs, s’il a la possibilité de leur prêter l’attention nécessaire, il y a tant d’énergies différentes entrant en jeu dans les circonstances de la vie de l’homme, que dans la pratique, et grâce à la puissance dirigée de sa volonté, il ne peut être attentif qu’à une partie relativement limitée de ces influences. En outre, la grande majorité des énergies auxquelles l’homme se trouve constamment soumis, échappe à l’étendue relativement réduite de sa sensibilité et de sa conscience, et faute d’être consciemment averti de ces influences, la volonté de l’homme ne peut agir sur elles ou s’y opposer.

De plus, il faut prendre en considération le fait que l’individu constitue un élément de sa propre communauté locale, elle-même composante de l’humanité plus vaste. Ainsi l’individu partagera-t-il la situation et l’environnement d’un grand nombre, et chacun, individuellement et conjointement, fera usage du « libre arbitre », pour sa part respective. Ce qui se produit si souvent dans la pratique, c’est que ces « volontés » soutiennent des points de vue qui s’opposent ou des intérêts contradictoires, provoquant un affrontement de forces susceptibles d’engendrer toutes sortes de conséquences inattendues. Dans d’autres cas, ces volontés qui s’affrontent et s’opposent, pourront se neutraliser mutuellement ; et c’est la raison pour laquelle il est à présent si important de coordonner les efforts, afin d’obtenir une collaboration de groupe et de masse en vue d’effectuer les appels invocatoires en faveur de la prospérité de l’humanité en général. En effet, la combinaison de « forces de volonté », se manifestant en un appel unifié envers les Entités supérieures, ou envers la Déité, évoquera inévitablement des réponses favorables.

Ce qui découle de cette utilisation du libre arbitre dépend également de la puissance avec laquelle est dirigée cette volonté, ainsi que de son orientation et de la pureté d’intention qui l’accompagne. A cet égard, on s’apercevra que cette force de volonté peut avoir une portée des plus variables. L’individu doté d’une faible volonté n’exercera probablement que peu ou pas d’influence sur son environnement même immédiat, alors que celui qui est doté d’une forte volonté pourra jouer un rôle dans la marche du monde et faire sentir son influence sur le plan international.

Nous nous sommes cantonnés jusque-là à étudier les effets de l’expression de la volonté de l’homme. Mais qu’en est-il de la Volonté divine ? C’est cette Volonté qui détermine le Dessein et le Plan pour l’humanité. L’accomplissement du Plan divin ne peut certainement pas être abandonné aux inconsistances des réflexions et des actes de l’homme. A certains égards, il apparaît que les actions de l’homme peuvent exercer un certain effet, limité, sur le rythme avec lequel se déroulera le Plan, mais le résultat final ne peut certainement pas s’en trouver affecté. Si on considère la question d’un point de vue plus global, l’homme ne représente comparativement qu’un facteur si insignifiant dans l’Univers, que son influence directe autorisée par le libre arbitre est absolument dérisoire et négligeable. Vu sous cet angle, on peut comparer l’homme à un simple atome emporté par les forces considérables de la nature vers quelque destinée inconnue.

Au fur et à mesure de l’évolution, la puissance de la volonté de l’homme s’accroît en permanence ; toutefois, l’essentiel n’est pas tant l’augmentation du pouvoir de sa volonté, mais le fait qu’il renforce son contrôle sur cette force, et que sa progression sur le Sentier se trouve associée à une coordination plus étroite et à une meilleure synthèse avec les Forces célestes. Ainsi, au fur et à mesure du développement du disciple, et lorsque celui-ci commence à discerner les premiers rudiments du Plan, tous ses efforts et sa volonté propre, son libre arbitre, s’orientent en vue de l’accomplissement des exigences du Plan, et il ne sera plus question pour lui de s’y opposer de quelque manière que ce soit.

Généralement parlant, on peut ainsi affirmer que l’être humain en croissance ne dispose d’aucun contrôle sur sa destinée ultime – celle-ci étant déterminée par une autorité supérieure. Cependant, ce qu’il contrôle effectivement, c’est le rythme de son développement personnel, qu’il peut choisir de retarder ou de hâter considérablement. C’est la raison pour laquelle la Hiérarchie elle-même ne peut déterminer à coup sûr ce que réserve l’avenir immédiat, que ce soit pour l’individu, le groupe, la nation ou l’ensemble de l’humanité. Les hommes tiennent cet aspect de leur avenir entre leurs mains, et il leur revient de déterminer le parcours et le rythme de leur développement. La Hiérarchie accordera volontiers son aide et guidera l’homme autant que possible, mais elle ne peut enfreindre le libre arbitre de l’homme et de l’humanité, à qui il revient ainsi de déterminer la suite des événements rapprochés. Que la Hiérarchie assure un contrôle autoritaire, et elle priverait l’homme de toute initiative, transformant des êtres responsables, autonomes et remplis d’aspiration, en une race d’automates. C’est pourquoi l’homme doit à tout prix conserver ses responsabilités et apprendre à être, et à agir, de sa propre initiative.

Le risque de voir transgresser le libre arbitre de l’homme ne provient pas des sources subjectives, mais il se manifeste par l’imposition d’idéaux, de dogmes et d’idéologies, aux mentaux non-entraînés et influençables de vastes parties de la population, par des corps constitués, des églises ou des gouvernements, qui restreignent ainsi le développement du mental et le libre arbitre de l’individu. Toute forme de totalitarisme, ou d’imposition de la volonté d’une minorité sur les masses, qu’elle s’exerce dans le cadre de la maison, de la religion, de l’éducation ou du gouvernement, doit donc être considérée comme mauvaise et néfaste pour la croissance. Aussi conviendrait-il de modifier et de réorienter ces énergies vers des objectifs plus appropriés.

Auteur : Aart Jurriaanse, (1907-2002) : auteur sud-africain qui a effectué des compilations des livres d’Alice Bailey. Il est l’auteur de Bridges (Ponts, non traduit) qui est un commentaire de ces enseignements.
Thématiques : spiritualité
Rubrique : Dossier ()