L'Iran se soulève au son de Femme, Vie, Liberté

Partage international no 421septembre 2023

par Sheida Kourangi

Publiée dans le numéro de juillet/août de notre revue, la première partie de cet article portait sur le soulèvement des jeunes en Iran, en septembre 2022, qui a donné lieu au mouvement Femme, Vie, Liberté et à des manifestations dans le monde entier. Il abordait le rôle historique des femmes, leurs droits et l’importance du hijab au sein de la République islamique, ainsi que l’unité et l’intrépidité sans pareilles des manifestants face à la répression impitoyable du régime.

Cette seconde partie souligne l’importance de cette période de turbulences et de transformations pour le pays, la crise aux multiples facettes qu’il traverse laissant présager la fin prochaine du régime religieux autoritaire. …

On peut retracer le cheminement de ce soulèvement à travers ses slogans et ses chants révolutionnaires. Le peuple dont on a gravement bafoué la liberté de parole et d’expression manifeste de manière innovante et créative sa résistance et son désir d’être entendu. Les murs des ruelles et des rues sont devenus un lieu d’expression graphique des actions de lutte, comme s’ils étaient faits pour témoigner et exprimer la voix d’un peuple qui n’a pas été entendu et qui est resté sans voix pendant trop longtemps. Chaque jour, les slogans inscrits sur les murs sont effacés, pour réapparaître le lendemain. « Notre silence est un esclavage, la résistance est la vie », y voit-on inscrit. « La vraie mort est le désespoir. Ceci est notre dernier message : l’objectif c’est le régime lui-même. Pour chaque personne tuée, il y en a mille qui la soutiennent. » Les slogans scandés dans les rues et peints sur les murs servent de plate-forme de communication alors que le discours public a été muselé.

La chanson Baraye, qui signifie « Pour ou A cause de », est devenue l’hymne de ce soulèvement. Son compositeur, Shervin Hajipour, a été arrêté peu après l’avoir mise en ligne (il a ensuite été libéré sous caution), mais la chanson était déjà devenue virale sur les médias sociaux. On l’a chantée lors de rassemblements dans les rues et sur les campus universitaires, et des chanteurs d’autres nationalités l’ont reprise. En janvier 2023 elle a reçu le premier Grammy de la nouvelle catégorie « Meilleure chanson pour le changement social ». En annonçant et en acceptant le prix en son nom, la première dame des Etats-Unis, Jill Biden, a souligné qu’une chanson « peut unir, inspirer et, en fin de compte, changer le monde ».

Si la beauté rythmique et poétique de cette chanson ne se reflète pas dans sa traduction, son message, lui, est clair. La chanson commence par : « Pour danser dans les rues » (ce qui est interdit en Iran) et poursuit ainsi : « Pour ma sœur, ta sœur, nos sœurs ; pour changer les esprits corrodés ; pour le déshonneur de la pauvreté ; pour l’aspiration à une vie ordinaire ; pour les enfants qui fouillent dans les ordures et leurs rêves ; pour cet air pollué ; pour les cris qui ne s’arrêtent jamais ; pour les étudiants doués en prison ; pour les enfants afghans ; pour le sentiment de paix ; pour le soleil après de longues nuits ; pour l’homme, la patrie, la prospérité ; pour une fille qui voudrait être un garçon ; pour Femme, Vie, Liberté ; et se termine par cette rythmique exaltante « Pour la liberté, pour la liberté, pour la liberté ». 

Il s’agit d’un moment décisif et tumultueux dans l’histoire de l’Iran. Les experts soulignent qu’un changement fondamental de pensée et de comportement a ébranlé les fondations du régime plus que jamais au cours de ses quarante quatre ans d’histoire. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est la prise de conscience, la perte de la peur et l’émergence d’une unité au sein de la population.

Grâce à l’épée de clivage (l’énergie d’amour, brandie par Maitreya), le contraste n’a jamais été aussi clairement établi entre ceux qui risquent tout pour la liberté et un avenir meilleur pour tous, et les imposteurs « religieux » sans scrupules qui s’opposent aux droits humains fondamentaux, à la justice et à la vérité au nom de leurs propres intérêts et d’une idéologie fallacieuse.

Tant qu’il y aura des personnes prêtes à affronter la tyrannie pure et dure avec un courage inébranlable et un amour profond, l’espoir pourra jaillir n’importe où, n’importe quand, contre la longue nuit de l’injustice. Même si cette longue nuit dure depuis quarante-quatre ans, une étincelle d’espoir dans la noirceur du désespoir peut inciter toute une nation à se lever pour la liberté et la justice, dans l’unité et la solidarité.

Les peuples se lèvent pour incarner l’appel du poète soufi Maulana Jalalu-’d-din Rumi, qui exhorte : « Ne vous demandez pas : « A quoi sert mon appel à la paix dans le combat ? » car, vous n’êtes pas un, mais un millier. Allumez votre lumière ».

Iran Auteur : Sheida Kourangi, collaboratrice de Share International basée en Virginie (Etats-Unis).
Thématiques : peuples et traditions
Rubrique : De nos correspondants ()