Partage international no 389février 2021

par Benjamin Creme

Cet article publié dans le premier numéro de la revue Share International, en janvier 1982, définit la spiritualité de manière large et inclusive. Intégrer cette conception est indispensable si l’on veut découvrir les solutions aux nombreuses menaces auxquelles le monde est confronté. Benjamin Creme traite ici de ce qui constitue l’une des raisons d’être de cette revue : offrir une nouvelle définition de la spiritualité, une définition qui puisse donner des pistes de réflexion en ces périodes de crise.

Seule une rééducation de l’humanité à la véritable nature de l’être humain, celle d’une réalité triple – esprit, âme et personnalité – et à la connaissance de la loi de cause et d’effet et à sa relation avec la loi de renaissance, permettra à la véritable expression de l’être humain de se manifester.

Ceci conditionnera nos nouvelles structures. Tant que nous n’aurons pas compris que tout être est divin, nous ne pourrons créer d’institutions capables de servir notre divinité intérieure au lieu de la corrompre. Les Églises actuelles ont, à une vaste échelle, corrompu la divinité dont elles parlent. Elles sont en effet devenues si dogmatiques, doctrinales et, de par ce dogme et cette doctrine, si séparatrices, qu’elles ont perdu la tolérance, le sens de la bonne volonté, de la fraternité qui devraient être à la base de l’approche religieuse de Dieu : une Paternité commune et, de ce fait, une fraternité entre tous les hommes. Lorsque l’on appliquera cela au domaine politique, nos systèmes refléteront cette réalité.

De même, dans la sphère économique, nous devons instituer le principe qui permettra à tous les peuples de partager les ressources de la Terre. Actuellement, la plus grande division existant dans le monde est celle de la disparité économique entre le Nord et le Sud, entre les nations industrialisées et le tiers monde. Le tiers de la population du monde usurpe et gaspille les trois quarts de la nourriture mondiale et au moins 80 % des matières premières et de l’énergie, le tiers monde devant se contenter du reste. Les tensions inhérentes à ce déséquilibre nous mènent droit au chaos. Ce sont, parmi d’autres, les principales constatations de la commission Brandt, dont les travaux se sont déroulés de 1977 à 1980. Son rapport, Nord-Sud : un programme de survie, reconnaît les dangers inhérents à ce déséquilibre. Jusqu’à ce que, partout, chacun puisse manger et vivre librement, en membre à part entière de la famille humaine, il n’y aura pas de justice dans le monde. Tant qu’il n’y aura pas de justice il ne pourra y avoir de véritable paix ; s’il ne s’établit pas maintenant de véritable paix dans le monde, il n’y aura pas d’avenir pour celui-ci.

Nous sommes confrontés à une crise essentiellement spirituelle, mais s’exprimant dans les domaines politique et économique. D’où la décision du Christ de travailler dans ces domaines, et de là son insistance sur le partage, qui est, dit-il, la clé de tout progrès futur pour l’être humain : « Lorsque vous partagez, vous reconnaissez Dieu en votre frère. L’homme doit partager ou bien mourir. » Le partage est un principe divin, et tant que nous n’admettrons pas que toutes les structures doivent refléter cette divinité intérieure, nous ne ferons pas un pas de plus dans notre évolution. Le jour où nous en prendrons conscience, nous ouvrirons la porte à une situation entièrement nouvelle.

Il y a, sur la fin de la famine, une très belle citation du grand poète espagnol, Federico Garcia Lorca : « Le jour où la famine sera éradiquée sur Terre, il se produira la plus grande explosion spirituelle que le monde ait jamais connue. L’humanité ne peut imaginer la joie qui éclatera dans le monde le jour de cette grande révolution. »

Cette affirmation peut sembler ambitieuse, mais, selon moi, c’est reconnaître qu’éradiquer la famine dans ce monde d’abondance est le premier pas de l’humanité vers sa divinité. C’est en effet le premier pas vers l’établissement de relations justes entre les êtres humains. En reconnaissant que tous nous sommes Un et en commençant à partager les ressources du monde entre tous les peuples, nous faisons le premier pas vers notre divinité. C’est en cela que se trouve la spiritualité essentielle des nouvelles structures économiques, qui doivent être basées sur le partage et se fonder sur la divinité de l’être humain. Le partage est une activité divine allant au-delà de la distribution des ressources mondiales : nous partageons tous notre divinité. Nous sommes véritablement Un, à tous les niveaux – physique, émotionnel, mental, intuitif et social. A tous ces niveaux nous pouvons partager. »

Il existe d’invraisemblables divisions, même au sein des actuels groupes dits du « nouvel âge » ; entre ceux qui jugent une action politique et économique non seulement essentielle, mais comme l’expression d’un grand mouvement spirituel de renaissance, et ceux pensant que la politique est un mot sale et que l’économie ne s’adresse qu’aux pauvres. Je suis souvent consterné du manque de cœur d’êtres soi-disant « spirituels » lorsqu’ils considèrent les millions de ceux qui, dans le monde, meurent de faim. On pourrait croire qu’une simple compassion, directe et normale, les amènerait à se préoccuper de leur bien-être.

La politique, l’économie, la science, la culture et l’éducation seront bientôt parmi les préoccupations majeures de l’humanité, incarnant enfin tous les aspects de la vie spirituelle. Les groupes religieux, les groupes soi-disant « spirituels » et du « nouvel âge » n’ont pas le monopole de la spiritualité. Le Maître DK a dit qu’en fait, les soi-disant groupes ésotériques et occultistes sont parmi les plus enclins au mirage1. Je trouve également qu’ils sont parmi les moins efficaces.

Dans le monde, les véritables transformations, les réels changements de conscience ont lieu dans les domaines politique et économique. C’est grâce aux transformations politiques et économiques que les structures seront reconstruites, permettant à la spiritualité inhérente en chacun d’être reflétée. Le Christ montrera que le sentier de la vie spirituelle est large et suffisamment varié pour répondre à l’attente de tous. Dans chaque domaine, dans tous les départements de la vie humaine, la conscience et la connaissance de Dieu peuvent être ressenties et exprimées. Tous peuvent mettre leur conscience dans cette aventure de chaque instant qui, de cette expérience partagée, aboutira à un patchwork aux couleurs variées.

1-Mirage, utilisé par le Maître DK et dans cet article, fait référence au fait que la réalité est perçue de manière déformée.

Auteur : Benjamin Creme, (1922-2016) : artiste et ésotériste britannique, ancien rédacteur en chef de Share International. Son contact télépathique avec un Maître de Sagesse lui permettait de recevoir les informations les plus récentes concernant l’émergence du Christ et de s’exprimer sur les enseignements de la Sagesse éternelle.
Thématiques : spiritualité
Rubrique : Dossier ()